RÉSEAUX CRÉATIFS

 
Ne pas être curieux, c’est ne rien vouloir apprendre.
— Johann Wolfgang von Goethe

Lorsqu’on se lance dans une carrière, quel « levier » peut s’avérer le plus utile ? Non, ce n’est pas celui des compétences professionnelles, ni celui d’une bonne maîtrise des dossiers, ni même le diplôme (et encore moins, Mesdames, le quatrième, le cinquième, voire le sixième). Oubliez également l’assiduité ou votre joli minois.

Non, mis à part un certain don en marketing personnel, la capacité d’élaborer des réseaux créatifs et stratégiquement utiles est l’unique réponse appropriée. Cela dit, que faut-il entendre par « des réseaux créatifs et stratégiquement utiles » ? Si cette formule évoque tout d’abord des personnes qui, à la moindre occasion, vous tendent ou distribuent leur carte de visite, suivie par le souvenir d’apéritifs interminables et ennuyeux, ou vos 3000 contacts sur Facebook, je comprendrai que vous ne souhaitez pas poursuivre votre lecture.

Il faut savoir en effet qu’outre cette notion des « réseaux créatifs et stratégiquement utiles » que je développerai dans un instant, il existe d’autres formes démodées et par instants même franchement désagréables en la matière. Me viennent alors à l’esprit des cercles fermés comme ceux de confréries, divers « Clubs » de prestation de services, ou encore des « entités échangistes » pratiquant le « … mais moi aussi, je t’ai rendu service, il y a… », sans oublier ces soirées de bureau durant lesquelles on tresse des lauriers à un seul chef dont chaque blague est obligatoirement censée faire rire tout le monde.

Des auteurs modernes tels que Keith Ferrazzi (« Never Eat alone ») ou Alexander Wolf (« Dictyonomie : Fremde zu Freunden) décrivent de manière plus spécifique ce qu’ils entendent par la constitution de réseaux plaisants et basés sur de réelles valeurs. À leurs yeux, un réseau n’est pas qu’un cercle restreint de mécènes et de protégés, mais un filet souple de personnes intéressantes, intéressées aux échanges et à des soutiens réciproques. Par ailleurs, un réseau moderne et fonctionnel se distingue par un climat d’ouverture et de confiance. Aussi, y être admis implique tout naturellement l’idée du « don sans contrepartie immédiate ou obligatoire ». En d’autres termes, la devise du réseau est celle de la générosité, non pas de la cupidité, et en son sein, chacun et chacune est sa propre marque, sa personnalité, ses connaissances, son humour et sa capacité d’accueil toujours au cœur de toutes ses activités. Toutes et tous sont disposés à faire don de leur temps, de leur savoir-faire, de leurs relations voire même de leur argent. Le roi et la reine en sont ceux et celles qui seront les plus aptes à tisser des liens entre les autres, à les aider à réussir sans d’abord en tirer profit soi-même. Ainsi, construire sa carrière en tant qu’élément d’un réseau pourrait comprendre des étapes suivantes :

  1. J’offre mon temps et mes compétences à des personnes intéressantes qui réussissent dans la vie.

  2. Je me présente et me définis comme « marque » individuelle et comme être humain avec beaucoup d’intérêts (place au marketing personnel maintenant et ici !)

  3. J’aide d’autres à réussir.

  4. Je deviens celle qui accueille et celle qui tisse des liens.

Les relations de réseau sont considérées seules idées et viables lorsqu’elles sont caractérisées par un intérêt réel à d’autres. Outre les notions de succès et de carrière, faire la connaissance de personnes intéressantes constitue le gain et bénéfice principal des réseaux. Pourquoi, sinon, est-ce que Keith Ferrazzi ne mange jamais seul ? Justement : parce qu’il aime bien être (et dîner) en compagnie d’autrui, indépendamment du fait que cela lui réussit. Mais bien sûr, cela doit rester plaisant et agréable !

Cela dit : s’inscrire à, ou faire partie d’un réseau n’est pas l’affaire de tout le monde. Dans les cours et les coachings que je donne, la résistance, la crainte et même le rejet y surgissent sous diverses formes. Et voici d’ailleurs quelques exemples de raisons invoquées, notamment par des femmes :

  • « Est-ce que je n’exploite pas autrui si, dans un réseau, je cible avant tout mes propres objectifs dans une approche “stratégique” ? »

  • « Mais moi, je n’ai rien à offrir. »

  • « Sur les réseaux sociaux, je n’accepte jamais de demandes émanant de personnes que je ne connais pas. »

  • « J’ai horreur de ces apéritifs, donc je n’y vais pas. Durant mon temps libre, je préfère me vouer à d’autres activités. »

  • « Je ne connais pas de personnes qui ont vraiment réussi dans la vie. »

Dans ce type de situations, on pourrait commencer par répliquer : personne n’est obligé-e de s’engager à quoi que ce soit. Il est parfaitement légitime d’accomplir son travail correctement, peu importe où. Mais cela a un prix.

Ou encore : il n’est jamais question d’exploitation si je suis également disposé-e à donner de ma personne. En effet, un des facteurs passionnants de chaque type de réseau consiste dans le fait que l’on en tire toujours quelque chose – et pas toujours, d’ailleurs, du secteur dans lequel on s’est investi.

Chacun et chacune de nous a quelque chose à offrir, et ne serait-ce qu’un article ou une information intéressante à propos d’un sujet pour lequel mon vis-à-vis se passionne. Cela signifie également que je dois savoir quelque chose à propos de mon interlocuteur ou de mon interlocutrice pour et faire comprendre que cela m’intéresse en effet de savoir à qui j’ai affaire.

Des études et des analyses ont révélé que les relations les plus efficaces au sein de réseaux sont celles que l’on appelle les « weak ties », c’est-à-dire des relations molles. En d’autres termes : on ne retirerait pas davantage de bénéfices grâce à nos contacts étroits et à nos connaissances directes, mais plutôt sur la base des contacts de nos contacts qui, à leur tour, font partie d’autres réseaux. Ainsi, les demandes de personnes que nous ne connaissons pas devraient nous intéresser, qu’elles nous soient adressées sous forme directe ou numérique.

Se rendre à un apéritif peut donc aussi être interprété non pas comme un passe-temps, mais comme un aspect de notre travail. Et tant mieux si, de plus, on s’y amuse ! D’ailleurs, que faut-il entendre par apéritif réussi dans le cadre d’un réseau ? Une manifestation durant laquelle je ne me serais entretenu-e qu’avec des personnes que je ne connaissais pas encore (voir les « weak ties » ?

Vous indiquez ne pas connaître de personnes qui ont réussi dans la vie ? Alors, il est vraiment grand temps de commencer à vous intéresser ou, mieux encore, à vous inscrire à des réseaux !

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Sibyl Schädeli